"Wang Fuzhi est l´un des plus éminents philosophes chinois. L´ouvrage s´efforce d´en restituer la pensée à l´usage des lecteurs occidentaux. Wang Fuzhi récuse le langage, créateur de divisions artificielles, impuissantes à rendre compte de l´extrême complexité du monde ; il refuse d´isoler l´abstrait du concret, admet l´idée de mécanismes communs à des phénomènes sans rapport aucun les uns avec les autres ; ordre et hasard ne sont pas pour lui contradictoires, car tout ordre inclut d´infinies variations de détail. Il n´est pas à la recherche du permanent et du stable par-delà le changeant, mais affirme au contraire la transformation incessante et la relativité de toutes choses. Il n´y a pas de matière brute, mais deux énergies dont la sensibilité suffit au fonctionnement de l´univers. Produit de leurs assemblages et dissociations inéluctables, le monde ne cesse de se renouveler. Pas d´absolu au sens où nous l´entendons, pas d´Etre en soi. C´est dire à quel point cette pensée s´éloigne de ce que notre tradition reconnaît comme "" philosophie "". Mais n´est-ce pas l´occasion d´élargir notre idée de la "" philosophie "" ? L´homme ne pouvant supprimer des désirs qui sont communs à tout ce qui vit, la morale, selon Wang Fuzhi, ne peut être fondée que sur une réciprocité sans laquelle aucune société ne pourrait subsister. Notre moi n´est d´ailleurs que le produit infime et fugitif de l´activité incessante de l´énergie universelle. Parce qu´elles développent des sentiments intéressés et la croyance au surnaturel, les religions de salut sont immorales. Athée, Wang Fuzhi serait-il en fin de compte plus religieux que les croyants ? Loin de représenter une pensée chinoise atemporelle, il ne saurait être isolé de son époque. Dans sa haine des Mandchous, il entend préserver la civilisation chinoise de leur corruption. Mais la particularité de ses engagements ne rend que plus expressive sa vision de la tradition dont il se veut le défenseur. Ainsi est-ce une introduction exceptionnellement claire et maîtrisée à un univers intellectuel éloigné du nôtre que nous offre Jacques Gernet.
(Table des matières : Pensée discursive et pensée combinatoire ; Nature et artifice ; Les mutations ; Energie universelle ; Le principe d´organisation ; Perception et savoir ; Nature humaine ; La morale finit là où finit l´animalité ; Habitudes et comportements ; Religion).
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Jacques Gernet est l´auteur de ""Chine et christianisme"" et ""L´intelligence de la Chine"", dans la "" Bibliothèque des histoires "" (1982 et 1994)."
"Wang Fuzhi est l´un des plus éminents philosophes chinois. L´ouvrage s´efforce d´en restituer la pensée à l´usage des lecteurs occidentaux. Wang Fuzhi récuse le langage, créateur de divisions artificielles, impuissantes à rendre compte de l´extrême complexité du monde ; il refuse d´isoler l´abstrait du concret, admet l´idée de mécanismes communs à des phénomènes sans rapport aucun les uns avec les autres ; ordre et hasard ne sont pas pour lui contradictoires, car tout ordre inclut d´infinies variations de détail. Il n´est pas à la recherche du permanent et du stable par-delà le changeant, mais affirme au contraire la transformation incessante et la relativité de toutes choses. Il n´y a pas de matière brute, mais deux énergies dont la sensibilité suffit au fonctionnement de l´univers. Produit de leurs assemblages et dissociations inéluctables, le monde ne cesse de se renouveler. Pas d´absolu au sens où nous l´entendons, pas d´Etre en soi. C´est dire à quel point cette pensée s´éloigne de ce que notre tradition reconnaît comme "" philosophie "". Mais n´est-ce pas l´occasion d´élargir notre idée de la "" philosophie "" ? L´homme ne pouvant supprimer des désirs qui sont communs à tout ce qui vit, la morale, selon Wang Fuzhi, ne peut être fondée que sur une réciprocité sans laquelle aucune société ne pourrait subsister. Notre moi n´est d´ailleurs que le produit infime et fugitif de l´activité incessante de l´énergie universelle. Parce qu´elles développent des sentiments intéressés et la croyance au surnaturel, les religions de salut sont immorales. Athée, Wang Fuzhi serait-il en fin de compte plus religieux que les croyants ? Loin de représenter une pensée chinoise atemporelle, il ne saurait être isolé de son époque. Dans sa haine des Mandchous, il entend préserver la civilisation chinoise de leur corruption. Mais la particularité de ses engagements ne rend que plus expressive sa vision de la tradition dont il se veut le défenseur. Ainsi est-ce une introduction exceptionnellement claire et maîtrisée à un univers intellectuel éloigné du nôtre que nous offre Jacques Gernet.
(Table des matières : Pensée discursive et pensée combinatoire ; Nature et artifice ; Les mutations ; Energie universelle ; Le principe d´organisation ; Perception et savoir ; Nature humaine ; La morale finit là où finit l´animalité ; Habitudes et comportements ; Religion).
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Jacques Gernet est l´auteur de ""Chine et christianisme"" et ""L´intelligence de la Chine"", dans la "" Bibliothèque des histoires "" (1982 et 1994)."