Il en est de certaines oeuvres d’art comme des quelques êtres dont nous pourrons un jour affirmer qu’ils ont véritablement fait route avec nous dans la vie. Le besoin n’en est que plus fort de se retourner sur une si exceptionnelle fidélité, et de s’interroger sur une constance devenue si coutumière qu’elle en vient à occulter l’éclat d’une présence demeurée pourtant inégalée : pourquoi cette oeuvre-ci plutôt que celle-là ? Pourquoi tant de rencontres, fortuites ou délibérées, avec Albrecht Dürer et avec ce Chevalier, intrépide mais taciturne, gravé en 1513 par l’artiste dans son atelier de Nuremberg ? C’est bien en effet sous le signe de la rencontre qu’il faudrait réapprendre à placer le rapport très privilégié entretenu, tout au long d’une vie, avec les rares oeuvres dont la célébrité ne résonne plus pour nous qu’en termes de complicité et dont l’auteur, si illustre et inatteignable soit-il, est devenu l’un de nos familiers. Une intimité spirituelle tout aussi respectueuse unissait Dürer à Giovanni Bellini, et le genre pictural où excella le « plus grand peintre de Venise » — celui de la Sacra conversazione — figure peut-être de manière emblématique notre rapport à l’art quand s’y mêlent à ce point distance et proximité. Si telle des oeuvres d’un grand artiste s’est un jour spontanément présentée à nous, du plus profond du temps qui l’a vue naître et a su la préserver, n’est-il pas temps d’aller à notre tour à sa rencontre, quitte à devoir, pour ce faire, nous aventurer dans « le monde souterrain du passé » (Thomas Mann) ?
Il en est de certaines oeuvres d’art comme des quelques êtres dont nous pourrons un jour affirmer qu’ils ont véritablement fait route avec nous dans la vie. Le besoin n’en est que plus fort de se retourner sur une si exceptionnelle fidélité, et de s’interroger sur une constance devenue si coutumière qu’elle en vient à occulter l’éclat d’une présence demeurée pourtant inégalée : pourquoi cette oeuvre-ci plutôt que celle-là ? Pourquoi tant de rencontres, fortuites ou délibérées, avec Albrecht Dürer et avec ce Chevalier, intrépide mais taciturne, gravé en 1513 par l’artiste dans son atelier de Nuremberg ? C’est bien en effet sous le signe de la rencontre qu’il faudrait réapprendre à placer le rapport très privilégié entretenu, tout au long d’une vie, avec les rares oeuvres dont la célébrité ne résonne plus pour nous qu’en termes de complicité et dont l’auteur, si illustre et inatteignable soit-il, est devenu l’un de nos familiers. Une intimité spirituelle tout aussi respectueuse unissait Dürer à Giovanni Bellini, et le genre pictural où excella le « plus grand peintre de Venise » — celui de la Sacra conversazione — figure peut-être de manière emblématique notre rapport à l’art quand s’y mêlent à ce point distance et proximité. Si telle des oeuvres d’un grand artiste s’est un jour spontanément présentée à nous, du plus profond du temps qui l’a vue naître et a su la préserver, n’est-il pas temps d’aller à notre tour à sa rencontre, quitte à devoir, pour ce faire, nous aventurer dans « le monde souterrain du passé » (Thomas Mann) ?