
		Et si Nietzsche, dont Foucault s’est tant réclamé, parlait souvent contre lui ? 
 La plupart des expressions typiques de Foucault dans lesquelles le mot  « vérité » intervient comme complément – « production de la vérité »,  « histoire de la vérité », « politique de la vérité », « jeux de  vérité », etc. – reposent sur une confusion peut-être délibérée entre  deux choses que Frege considérait comme essentiel de distinguer :  l’être-vrai et le tenir-pour-vrai. Or peu de philosophes ont insisté  avec autant de fermeté que Nietzsche sur cette différence radicale qui  existe entre ce qui est vrai et ce qui est cru vrai : « La vérité et la  croyance que quelque chose est vrai : deux univers d’intérêts tout à  fait séparés l’un de l’autre, presque des univers opposés ; on arrive à  l’un et à l’autre par des chemins fondamentalement différents »,  écrit-il dans L’Antéchrist. Foucault, alors qu’il n’a jamais traité que  des mécanismes, des lois et des conditions historiques et sociales de  production de l’assentiment et de la croyance, en a tiré abusivement des  conclusions concernant la vérité elle-même. 
 Sur la vérité, l’objectivité, la connaissance et la science, il est trop  facilement admis aujourd’hui – le plus souvent sans discussion – que  Foucault aurait changé la pensée et nos catégories. Mais il y a dans ses  cours trop de confusions conceptuelles entre vérité, connaissance et  pouvoir, trop de questions élémentaires laissées en blanc – et, tout  simplement, trop de non-sens pour qu’on doive se rallier à pareille  opinion. Quant au nietzschéisme professé par Foucault, il repose sur une  lecture trop étroite, qui ne résiste pas à une confrontation attentive  avec les textes, notamment ceux du Nietzsche de la maturité. 
 À l’écart aussi bien des panégyriques que des verdicts idéologiques, le  philosophe Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France, lit  Nietzsche et Foucault à la hauteur où ils doivent être lus : avec les  mêmes exigences intellectuelles qu’il applique à Wittgenstein et à  Musil, et une libre ironie qu’il fait sienne plus que jamais.

Et si Nietzsche, dont Foucault s’est tant réclamé, parlait souvent contre lui ? 
 La plupart des expressions typiques de Foucault dans lesquelles le mot  « vérité » intervient comme complément – « production de la vérité »,  « histoire de la vérité », « politique de la vérité », « jeux de  vérité », etc. – reposent sur une confusion peut-être délibérée entre  deux choses que Frege considérait comme essentiel de distinguer :  l’être-vrai et le tenir-pour-vrai. Or peu de philosophes ont insisté  avec autant de fermeté que Nietzsche sur cette différence radicale qui  existe entre ce qui est vrai et ce qui est cru vrai : « La vérité et la  croyance que quelque chose est vrai : deux univers d’intérêts tout à  fait séparés l’un de l’autre, presque des univers opposés ; on arrive à  l’un et à l’autre par des chemins fondamentalement différents »,  écrit-il dans L’Antéchrist. Foucault, alors qu’il n’a jamais traité que  des mécanismes, des lois et des conditions historiques et sociales de  production de l’assentiment et de la croyance, en a tiré abusivement des  conclusions concernant la vérité elle-même. 
 Sur la vérité, l’objectivité, la connaissance et la science, il est trop  facilement admis aujourd’hui – le plus souvent sans discussion – que  Foucault aurait changé la pensée et nos catégories. Mais il y a dans ses  cours trop de confusions conceptuelles entre vérité, connaissance et  pouvoir, trop de questions élémentaires laissées en blanc – et, tout  simplement, trop de non-sens pour qu’on doive se rallier à pareille  opinion. Quant au nietzschéisme professé par Foucault, il repose sur une  lecture trop étroite, qui ne résiste pas à une confrontation attentive  avec les textes, notamment ceux du Nietzsche de la maturité. 
 À l’écart aussi bien des panégyriques que des verdicts idéologiques, le  philosophe Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France, lit  Nietzsche et Foucault à la hauteur où ils doivent être lus : avec les  mêmes exigences intellectuelles qu’il applique à Wittgenstein et à  Musil, et une libre ironie qu’il fait sienne plus que jamais.
