On assiste aujourd´hui en anthropologie à un déplacement d´intérêt des sociétés traditionnelles et exotiques vers la société industrielle moderne. Qu´en est-il alors de l´objet et de la démarche anthropologiques ? C´est à cette problématique que s´efforce de répondre la présente introduction. Loin de se limiter à adapter les manuels qui l´ont précédée aux connaissances les plus récentes de la discipline, cette introduction a l´ambition de soumettre le savoir anthropologique à un certain nombre d´interrogations relatives au renouvellement de son champ intellectuel et expérimental. C´est dire que sa première préoccupation consiste dans la définition même de l´anthropologie. Dans un deuxième temps, l´ouvrage ouvre l´anthropologie sur les autres sciences de l´homme et vise par là même à une compréhension plus fine de ses contenus et de ses fondements épistémologiques. Comment ces différentes disciplines procèdent-elles pour réaliser leur idéal commun de savoir à visée objective ? Comment chacune d´entre elles transforme-t-elle et rapporte-t-elle les conduites locales et les savoirs indigènes à un savoir scientifique global ? Le détour par les sociétés lointaines semble de ce point de vue conférer à l´anthropologie un certain avantage heuristique. Retenir une telle perspective pour la présentation de cette discipline implique de revenir sur l´histoire de la pensée anthropologique pour renouveler la lecture. Il ne s´agit plus de voir dans cette tradition l´affinement progressif d´un discours qui aurait débouché sur le savoir moderne. Le discours anthropologique à visée empirique, c´est-à-dire descriptive et explicative, est considéré comme un langage spécifique, historiquement et culturellement déterminée, à l´intérieur du discours général sur l´altérité. Il est interrogé du point de vue de ses fonctions pragmatiques, de la construction de ses objets théoriques et de son mode d´écriture du texte scientifique.