"À travers l’appel à un « retour aux choses mêmes », la phénoménologie husserlienne a toujours revendiqué pour son discours un statut constituant, voire fondationnel (à tel point que Husserl voit dans la phénoménologie une nouvelle « philosophie première » ou pour le moins l’accomplissement de l’idée originaire de toute philosophie) - revendication qui a d’ailleurs souvent fait problème et posé des difficultés à ses successeurs. En même temps, cette exigence reflète pour Husserl le principe qu’il voit à l’œuvre dans la philosophie depuis ses commencements socratiques et auquel il ne cesse de revenir depuis le début des années 1920 : à savoir le principe d’une légitimation absolue de la connaissance. Or, c’est précisément le sens de cette légitimation que nous interrogeons dans le présent ouvrage.
Cette interrogation part d’un double constat. Premièrement, malgré tous les acquis ou, du moins, toutes les avancées décisives auxquels le travail, en droit infini, des analyses phénoménologiques concrètes est parvenu dans les champs très divers de la recherche phénoménologique, il n’en est pas moins vrai que ces mêmes analyses rencontrent parfois des limites que leur démarche « descriptive » n’est pas en mesure de franchir. Or, et c’est là le deuxième constat, cette difficulté ne concerne pas « seulement » tous les « points aveugles », tous les « angles morts », de l’analyse phénoménologique descriptive, mais - et la question est autrement plus menaçante - on peut à bon droit se demander en quoi, d’une manière générale, le recours à la sphère « constitutive » de la subjectivité transcendantale permet de rendre compte du sens et du sens d’être des phénomènes : autrement dit, qu’est-ce qui légitime très précisément le phénoménologue à recourir à une sphère qui « redouble » pour ainsi dire la sphère du réel ? Et en quoi le recours à cette sphère répond-il donc au problème de savoir comment se constitue le sens de ce qui apparaît à la conscience ?
Les questions ici soulevées sont aussi massives que simples : qu’est-ce qui légitime le philosopher phénoménologique autant eu égard aux « faits (facta) » irréductibles sur lesquels butte une démarche purement descriptive qu’eu égard à son principe même - à savoir que tout ce qui est se constitue, en son sens, dans l’évidence intuitive des actes de la subjectivité transcendantale originairement constituante ? Husserl répond à cette question en livrant un procédé de légitimation qui outrepasse les limites d’une simple démarche descriptive sans pour autant verser dans la métaphysique ou (ce qui est de toute façon exclu) dans une spéculation purement discursive (voire « fictive »). Nous proposons ainsi au lecteur de reprendre la phénoménologie husserlienne à sa racine - c’est-à-dire, précisément, au niveau de sa méthode légitimante. C’est afin de répondre à sa propre exigence d’une légitimation absolue de la constitution du sens des phénomènes (en leur « vérité ») que Husserl procède - lorsqu’il se heurte donc aux limites inhérentes à l’analyse descriptive - à des constructions phénoménologiques qui ne sont pas des constructions spéculatives, ni des procédés pour faire exister par la pensée ce qui n’existe pas dans la réalité, mais des outils que le phénoménologue se donne pour rendre compte d’une teneur phénoménale déterminée et dont il ne découvre la régularité (voire même la légitimité, justement !) qu’en procédant à ces constructions elles-mêmes. Les fondements d’une phénoménologie constructive auront ainsi pour tâche à la fois d’en clarifier le statut et d’en exhiber l’efficience eu égard aux « facta » ultimes rencontrés par le phénoménologue dans ses analyses concrètes - ce qui nous obligera d’occuper un terrain où parfois, par la nature même de la « chose », « les noms nous font défaut »."
"À travers l’appel à un « retour aux choses mêmes », la phénoménologie husserlienne a toujours revendiqué pour son discours un statut constituant, voire fondationnel (à tel point que Husserl voit dans la phénoménologie une nouvelle « philosophie première » ou pour le moins l’accomplissement de l’idée originaire de toute philosophie) - revendication qui a d’ailleurs souvent fait problème et posé des difficultés à ses successeurs. En même temps, cette exigence reflète pour Husserl le principe qu’il voit à l’œuvre dans la philosophie depuis ses commencements socratiques et auquel il ne cesse de revenir depuis le début des années 1920 : à savoir le principe d’une légitimation absolue de la connaissance. Or, c’est précisément le sens de cette légitimation que nous interrogeons dans le présent ouvrage.
Cette interrogation part d’un double constat. Premièrement, malgré tous les acquis ou, du moins, toutes les avancées décisives auxquels le travail, en droit infini, des analyses phénoménologiques concrètes est parvenu dans les champs très divers de la recherche phénoménologique, il n’en est pas moins vrai que ces mêmes analyses rencontrent parfois des limites que leur démarche « descriptive » n’est pas en mesure de franchir. Or, et c’est là le deuxième constat, cette difficulté ne concerne pas « seulement » tous les « points aveugles », tous les « angles morts », de l’analyse phénoménologique descriptive, mais - et la question est autrement plus menaçante - on peut à bon droit se demander en quoi, d’une manière générale, le recours à la sphère « constitutive » de la subjectivité transcendantale permet de rendre compte du sens et du sens d’être des phénomènes : autrement dit, qu’est-ce qui légitime très précisément le phénoménologue à recourir à une sphère qui « redouble » pour ainsi dire la sphère du réel ? Et en quoi le recours à cette sphère répond-il donc au problème de savoir comment se constitue le sens de ce qui apparaît à la conscience ?
Les questions ici soulevées sont aussi massives que simples : qu’est-ce qui légitime le philosopher phénoménologique autant eu égard aux « faits (facta) » irréductibles sur lesquels butte une démarche purement descriptive qu’eu égard à son principe même - à savoir que tout ce qui est se constitue, en son sens, dans l’évidence intuitive des actes de la subjectivité transcendantale originairement constituante ? Husserl répond à cette question en livrant un procédé de légitimation qui outrepasse les limites d’une simple démarche descriptive sans pour autant verser dans la métaphysique ou (ce qui est de toute façon exclu) dans une spéculation purement discursive (voire « fictive »). Nous proposons ainsi au lecteur de reprendre la phénoménologie husserlienne à sa racine - c’est-à-dire, précisément, au niveau de sa méthode légitimante. C’est afin de répondre à sa propre exigence d’une légitimation absolue de la constitution du sens des phénomènes (en leur « vérité ») que Husserl procède - lorsqu’il se heurte donc aux limites inhérentes à l’analyse descriptive - à des constructions phénoménologiques qui ne sont pas des constructions spéculatives, ni des procédés pour faire exister par la pensée ce qui n’existe pas dans la réalité, mais des outils que le phénoménologue se donne pour rendre compte d’une teneur phénoménale déterminée et dont il ne découvre la régularité (voire même la légitimité, justement !) qu’en procédant à ces constructions elles-mêmes. Les fondements d’une phénoménologie constructive auront ainsi pour tâche à la fois d’en clarifier le statut et d’en exhiber l’efficience eu égard aux « facta » ultimes rencontrés par le phénoménologue dans ses analyses concrètes - ce qui nous obligera d’occuper un terrain où parfois, par la nature même de la « chose », « les noms nous font défaut »."