« Vivre et mourir dignement, c´est notre  voeu à tous. Mais comment accorder cette dignité dans un pays ou la  vieillesse et la mort font peur et sont si mal accompagnées ?
 Dans son rapport « Penser solidairement la fin de vie » qu´il vient de  remettre à l´Elysée, Didier Sicard s´est mis résolument du côté des  personnes malades en fin de vie, globalement insatisfaites des  conditions du mourir dans notre pays. Il a cherché une voie – une voie à  la française, dit-il – pour répondre à leur angoisse, sans pour autant  toucher à l´interdit de donner la mort, barrière infranchissable à ses  yeux dans une société démocratique. Car il ne s´agit pas, en permettant  aux uns d´avoir la mort douce qu´ils désirent, de mettre en danger ceux  qui attendent autre chose de la société : une vie plus digne jusqu´au  bout !
 Il est donc opposé à toute législation sur l´euthanasie. C´est un point  fort de son rapport. Mais il ne peut se contenter non plus du statuquo.  On meurt mal en France aujourd´hui. C´est donc que quelque chose ne va  pas.
 Bien qu´il préconise de ne pas légiférer dans l´urgence, François  Hollande a décidé de le faire ; il l´avait promis, il le fait. Nous  aurons donc une loi sur la fin de vie en juin, laquelle ?
 Après avoir accompagné pendant dix ans des personnes en fin de vie,  comme psychologue clinicienne au sein de la première unité française de  soins palliatifs, avoir écrit de nombreux ouvrages inspirés de cette  expérience, dont La Mort intime, avoir mis ma réflexion pendant  cinq ans au service du Ministère de la santé, je suis aujourd´hui à  l´écoute des générations du 3e et du 4e âge. Dans les séminaires que  j´anime, nous abordons évidemment la question du mourir. L´inquiétude  est palpable. Elle vient d´un paradoxe. D´un côté, dans un monde qui  s´est fondé sur des valeurs d´autonomie, le désir de maîtriser les  conditions de sa fin de vie est manifeste. Le seniors refusent de se  voir voler leur mort par les médecins.  Mais d´un autre côté, lorsqu´ils  se projettent dans leur grande vieillesse, s´imaginant fragiles, ils  craignent plus que tout d´être considérés comme les rebuts de la  société,  de terminer leur existence dans des lieux inhumains, et  perçoivent avec une acuité étonnante les dangers d´une loi qui  permettrait aux médecins de donner la mort ou les pressions qui  pourraient être faites sur eux pour qu´ils se la donnent eux-mêmes. Ils  tiennent à ce que la loi protège leur vulnérabilité à venir, en  maintenant dans le code pénal l´interdit de tuer. Ce paradoxe doit être  pris en compte dans la loi à venir.
 Je souhaite, en m´exprimant dans ce livre, faire entendre leur voix,  leurs inquiétudes, et contribuer par mon expérience et ma réflexion au  débat qui s´annonce. »
 Marie de Hennezel

« Vivre et mourir dignement, c´est notre  voeu à tous. Mais comment accorder cette dignité dans un pays ou la  vieillesse et la mort font peur et sont si mal accompagnées ?
 Dans son rapport « Penser solidairement la fin de vie » qu´il vient de  remettre à l´Elysée, Didier Sicard s´est mis résolument du côté des  personnes malades en fin de vie, globalement insatisfaites des  conditions du mourir dans notre pays. Il a cherché une voie – une voie à  la française, dit-il – pour répondre à leur angoisse, sans pour autant  toucher à l´interdit de donner la mort, barrière infranchissable à ses  yeux dans une société démocratique. Car il ne s´agit pas, en permettant  aux uns d´avoir la mort douce qu´ils désirent, de mettre en danger ceux  qui attendent autre chose de la société : une vie plus digne jusqu´au  bout !
 Il est donc opposé à toute législation sur l´euthanasie. C´est un point  fort de son rapport. Mais il ne peut se contenter non plus du statuquo.  On meurt mal en France aujourd´hui. C´est donc que quelque chose ne va  pas.
 Bien qu´il préconise de ne pas légiférer dans l´urgence, François  Hollande a décidé de le faire ; il l´avait promis, il le fait. Nous  aurons donc une loi sur la fin de vie en juin, laquelle ?
 Après avoir accompagné pendant dix ans des personnes en fin de vie,  comme psychologue clinicienne au sein de la première unité française de  soins palliatifs, avoir écrit de nombreux ouvrages inspirés de cette  expérience, dont La Mort intime, avoir mis ma réflexion pendant  cinq ans au service du Ministère de la santé, je suis aujourd´hui à  l´écoute des générations du 3e et du 4e âge. Dans les séminaires que  j´anime, nous abordons évidemment la question du mourir. L´inquiétude  est palpable. Elle vient d´un paradoxe. D´un côté, dans un monde qui  s´est fondé sur des valeurs d´autonomie, le désir de maîtriser les  conditions de sa fin de vie est manifeste. Le seniors refusent de se  voir voler leur mort par les médecins.  Mais d´un autre côté, lorsqu´ils  se projettent dans leur grande vieillesse, s´imaginant fragiles, ils  craignent plus que tout d´être considérés comme les rebuts de la  société,  de terminer leur existence dans des lieux inhumains, et  perçoivent avec une acuité étonnante les dangers d´une loi qui  permettrait aux médecins de donner la mort ou les pressions qui  pourraient être faites sur eux pour qu´ils se la donnent eux-mêmes. Ils  tiennent à ce que la loi protège leur vulnérabilité à venir, en  maintenant dans le code pénal l´interdit de tuer. Ce paradoxe doit être  pris en compte dans la loi à venir.
 Je souhaite, en m´exprimant dans ce livre, faire entendre leur voix,  leurs inquiétudes, et contribuer par mon expérience et ma réflexion au  débat qui s´annonce. »
 Marie de Hennezel
