Peu de disciplines ont autant fasciné, autant fécondé l’imaginaire des hommes que l’alchimie, qui, dès la Haute Antiquité et en toute civilisation (indienne, chinoise, perse, arabe), s’est affrontée aux questions cruciales de la transmutation des métaux, de l’élixir d’éternité, de la panacée, et, au-delà, aux grandes énigmes métaphysiques où culmine l’oeuvre de Paracelse : fusion de l’esprit et de la matière, de Dieu et de la Création, unité perdue par la Chute et retrouvée par la Rédemption christique, assimilée au Grand OEuvre. Avicenne a pu la contredire au xie siècle et Rabelais la moquer : Newton luimême la pratiquera après Roger Bacon, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, et seul l’avènement, à la fin du xviiie siècle, de la chimie rationnelle et quantifiée (Priestley, Lavoisier, Scheele) la disqualifiera en tant que science. On connaît son exceptionnelle fortune littéraire : l’homoncule du second Faust de Goethe et le personnage central du drame ; les récits de Novalis et de Hoffmann, le Soleil noir de Nerval, l’“alchimie du verbe” de Rimbaud, la fascination d’André Breton et des surréalistes pour les arcanes ; les analyses de Jung, de Koyré, d’Éliade, L’OEuvre au noir de Yourcenar et jusqu’à L’Alchimiste de Coelho… Mais l’esprit alchimique, fondé non sur le principe logique d’identité mais sur l’analogie et la puissance authentiquement “créatrice” de l’imagination, trouve dans l’image son expression la plus parfaite. Par l’assemblage complexe de ses composantes symboliques, l’image figure tout à la fois la révélation et les voies de l’initiation : le nom même de l’un des principaux livres, le Mutus Liber (“livre muet”), indique assez cette valeur allégorique et initiatique de l’image seule. D’autres manuscrits enluminés, Aurora Consurgens, Splendor Solis, s’y réfèrent aussi, tandis que Le Livre de la Sainte Trinité ou le Donum Dei mettent l’accent sur la convergence des mystères alchimique et chrétien.
Outre les manuscrits et les incunables, l’autre richesse du livre est de montrer les représentations par la peinture, hollandaise et flamande en particulier, de l’alchimiste au travail dans son laboratoire : oeuvres de Van Ostade, Teniers, Van der Straet, Rembrandt, surtout, puis, au xviiie siècle, de l’Anglais Joseph Wright of Derby. Mais l’influence du thème déborde largement cette représentation stricte : elle s’étend jusqu’à l’oeuvre d’artistes majeurs du xxe siècle, tels Max Ernst, Jackson Pollock ou Yves Klein.
Peu de disciplines ont autant fasciné, autant fécondé l’imaginaire des hommes que l’alchimie, qui, dès la Haute Antiquité et en toute civilisation (indienne, chinoise, perse, arabe), s’est affrontée aux questions cruciales de la transmutation des métaux, de l’élixir d’éternité, de la panacée, et, au-delà, aux grandes énigmes métaphysiques où culmine l’oeuvre de Paracelse : fusion de l’esprit et de la matière, de Dieu et de la Création, unité perdue par la Chute et retrouvée par la Rédemption christique, assimilée au Grand OEuvre. Avicenne a pu la contredire au xie siècle et Rabelais la moquer : Newton luimême la pratiquera après Roger Bacon, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, et seul l’avènement, à la fin du xviiie siècle, de la chimie rationnelle et quantifiée (Priestley, Lavoisier, Scheele) la disqualifiera en tant que science. On connaît son exceptionnelle fortune littéraire : l’homoncule du second Faust de Goethe et le personnage central du drame ; les récits de Novalis et de Hoffmann, le Soleil noir de Nerval, l’“alchimie du verbe” de Rimbaud, la fascination d’André Breton et des surréalistes pour les arcanes ; les analyses de Jung, de Koyré, d’Éliade, L’OEuvre au noir de Yourcenar et jusqu’à L’Alchimiste de Coelho… Mais l’esprit alchimique, fondé non sur le principe logique d’identité mais sur l’analogie et la puissance authentiquement “créatrice” de l’imagination, trouve dans l’image son expression la plus parfaite. Par l’assemblage complexe de ses composantes symboliques, l’image figure tout à la fois la révélation et les voies de l’initiation : le nom même de l’un des principaux livres, le Mutus Liber (“livre muet”), indique assez cette valeur allégorique et initiatique de l’image seule. D’autres manuscrits enluminés, Aurora Consurgens, Splendor Solis, s’y réfèrent aussi, tandis que Le Livre de la Sainte Trinité ou le Donum Dei mettent l’accent sur la convergence des mystères alchimique et chrétien.
Outre les manuscrits et les incunables, l’autre richesse du livre est de montrer les représentations par la peinture, hollandaise et flamande en particulier, de l’alchimiste au travail dans son laboratoire : oeuvres de Van Ostade, Teniers, Van der Straet, Rembrandt, surtout, puis, au xviiie siècle, de l’Anglais Joseph Wright of Derby. Mais l’influence du thème déborde largement cette représentation stricte : elle s’étend jusqu’à l’oeuvre d’artistes majeurs du xxe siècle, tels Max Ernst, Jackson Pollock ou Yves Klein.