
		"Un abysme de science" ! Le jésuite Kircher était bien le digne - et  le dernier - héritier des esprits universels de la Renaissance, Léonard,  Pic de la Mirandole.
Mathématicien, linguiste, archéologue,  naturaliste, historien des religions, ingénieur, géologue... comme,  avant lui, Erasme, comme Mersenne, son contemporain, ou, plus tard,  Voltaire et Goethe, il entretint avec tout l´univers une correspondance  qui fit de ce phénix du Vatican le centre du monde savant. Curieux de  tout, il trouve tout : il est le premier à déceler les taches solaires, à  révéler les anneaux de Saturne ; vulcanologue, il descend dans le  Vésuve ; il conçoit les mouvements de la croûte terrestre, dresse la  carte des courants marins ; au microscope, il aperçoit, dans le sang des  victimes de la peste de 1656, des animalcules, suggérant que la maladie  est due à un germe.
Et que de machines sont le fruit de son  invention et de ses traités de magnétisme, d´acoustique et d´optique !  Mécanismes pour coder les messages, composer de la musique, jouer de  plusieurs instruments à la fois ; orgue et horloge hydrauliques,  lanterne magique, amplificateurs sonores, lampe à pétrole et mille  curiosités dont il meubla son célébrissime musée au collège des jésuites  de Rome, à côté de ses collections égyptiennes et des objets que les  missionnaires lui rapportaient du vaste monde.
Son grand ouvrage sur  la Chine (1667) fonde les études orientales ; il publie les premières  images du Potala, à Lhassa, le premier dictionnaire chinois, la première  édition de l´alphabet et de la grammaire sanskrits, comme, trente ans  auparavant, une magistrale introduction au copte. Ses erreurs sont à sa  mesure, grandioses. La plus célèbre est son incompréhension radicale des  hiéroglyphes égyptiens qu´il interprète comme de purs symboles, non  comme des signes linguistiques, manquant ainsi la voie royale qui mènera  à leur déchiffrement par Champollion.
Contre Copernic et Galilée (il  arrive à Rome en 1633, l´année même de sa condamnation), il s´en tient  au géocentrisme de Tycho Brahè, en odeur de sainteté. Tous les êtres  vivants, selon lui - batraciens et mammiferes compris -, peuvent naître  par génération spontanée, tant le Créateur a su insuffler à la masse  chaotique de la Terre la semence universelle... nous sommes loin des  culottes de Spallanzani ! C´est que le monde de Kircher est celui, "  clos ", d´Aristote, de Raymond Lulle et de la lettre de la Genèse ; non l´"univers infini" de l´expérience selon Bacon, ni du langage  mathématique des choses professé par Galilée, du doute méthodique de  Descartes, engendrant les "longues chaînes de raison", encore moins du  refus, par Newton, des hypothèses hasardeuses...
Son oeuvre n´est  pas un jalon de la science en marche, c´est une célébration des  merveilles de la création, une opération de "magie naturelle" issue du  magnétisme universel qu´infuse la sagesse divine à travers les trois  niveaux du monde créé : archétypal, sidéral, élémental, dont l´homme est  le reflet, le microcosme. Le monde créé, comme les cieux de David  (Psaumes XVII), "narre la gloire de Dieu" : c´est déjà la devise des  jésuites (A.M.D.G).
Aussi Kircher est-il avant tout, pour  l´édification des masses et des grands, metteur en scène voire  thaumaturge, cherchant à frapper l´imagination de l´auditoire pour  l´amener au respect et à l´amour de Dieu. Ses expériences tiennent de la  machinerie d´opéra baroque, son prosélytisme a le langage de  l´esthétique du Bernin, dont il fut l´ami et qui mourut le même jour que  lui, à Rome. "La scène du drame, écrira Claudel, est le monde".
D´où  le soin extrême qu´il appliqua à l´illustration de ses nombreux  ouvrages, qu´il concevait lui-même - frontispices et images symboliques,  notamment - dont la réalisation fut confiée à de grands artistes du  temps. Leur ingénieuse beauté, si étrange, caractérise son siècle mais  préfigure déjà les chimères des "Illuminés", au XVIIIe siècle  finissant, et les "correspondances" du romantisme selon Balzac : "Pour qui contemple en grand la nature tout y tend à l´unité par  l´assimilation".

"Un abysme de science" ! Le jésuite Kircher était bien le digne - et  le dernier - héritier des esprits universels de la Renaissance, Léonard,  Pic de la Mirandole.
Mathématicien, linguiste, archéologue,  naturaliste, historien des religions, ingénieur, géologue... comme,  avant lui, Erasme, comme Mersenne, son contemporain, ou, plus tard,  Voltaire et Goethe, il entretint avec tout l´univers une correspondance  qui fit de ce phénix du Vatican le centre du monde savant. Curieux de  tout, il trouve tout : il est le premier à déceler les taches solaires, à  révéler les anneaux de Saturne ; vulcanologue, il descend dans le  Vésuve ; il conçoit les mouvements de la croûte terrestre, dresse la  carte des courants marins ; au microscope, il aperçoit, dans le sang des  victimes de la peste de 1656, des animalcules, suggérant que la maladie  est due à un germe.
Et que de machines sont le fruit de son  invention et de ses traités de magnétisme, d´acoustique et d´optique !  Mécanismes pour coder les messages, composer de la musique, jouer de  plusieurs instruments à la fois ; orgue et horloge hydrauliques,  lanterne magique, amplificateurs sonores, lampe à pétrole et mille  curiosités dont il meubla son célébrissime musée au collège des jésuites  de Rome, à côté de ses collections égyptiennes et des objets que les  missionnaires lui rapportaient du vaste monde.
Son grand ouvrage sur  la Chine (1667) fonde les études orientales ; il publie les premières  images du Potala, à Lhassa, le premier dictionnaire chinois, la première  édition de l´alphabet et de la grammaire sanskrits, comme, trente ans  auparavant, une magistrale introduction au copte. Ses erreurs sont à sa  mesure, grandioses. La plus célèbre est son incompréhension radicale des  hiéroglyphes égyptiens qu´il interprète comme de purs symboles, non  comme des signes linguistiques, manquant ainsi la voie royale qui mènera  à leur déchiffrement par Champollion.
Contre Copernic et Galilée (il  arrive à Rome en 1633, l´année même de sa condamnation), il s´en tient  au géocentrisme de Tycho Brahè, en odeur de sainteté. Tous les êtres  vivants, selon lui - batraciens et mammiferes compris -, peuvent naître  par génération spontanée, tant le Créateur a su insuffler à la masse  chaotique de la Terre la semence universelle... nous sommes loin des  culottes de Spallanzani ! C´est que le monde de Kircher est celui, "  clos ", d´Aristote, de Raymond Lulle et de la lettre de la Genèse ; non l´"univers infini" de l´expérience selon Bacon, ni du langage  mathématique des choses professé par Galilée, du doute méthodique de  Descartes, engendrant les "longues chaînes de raison", encore moins du  refus, par Newton, des hypothèses hasardeuses...
Son oeuvre n´est  pas un jalon de la science en marche, c´est une célébration des  merveilles de la création, une opération de "magie naturelle" issue du  magnétisme universel qu´infuse la sagesse divine à travers les trois  niveaux du monde créé : archétypal, sidéral, élémental, dont l´homme est  le reflet, le microcosme. Le monde créé, comme les cieux de David  (Psaumes XVII), "narre la gloire de Dieu" : c´est déjà la devise des  jésuites (A.M.D.G).
Aussi Kircher est-il avant tout, pour  l´édification des masses et des grands, metteur en scène voire  thaumaturge, cherchant à frapper l´imagination de l´auditoire pour  l´amener au respect et à l´amour de Dieu. Ses expériences tiennent de la  machinerie d´opéra baroque, son prosélytisme a le langage de  l´esthétique du Bernin, dont il fut l´ami et qui mourut le même jour que  lui, à Rome. "La scène du drame, écrira Claudel, est le monde".
D´où  le soin extrême qu´il appliqua à l´illustration de ses nombreux  ouvrages, qu´il concevait lui-même - frontispices et images symboliques,  notamment - dont la réalisation fut confiée à de grands artistes du  temps. Leur ingénieuse beauté, si étrange, caractérise son siècle mais  préfigure déjà les chimères des "Illuminés", au XVIIIe siècle  finissant, et les "correspondances" du romantisme selon Balzac : "Pour qui contemple en grand la nature tout y tend à l´unité par  l´assimilation".
